Editorial


Date de publication : 01 décembre 2019

Auteur(s)

Emmanuelle Voulgre , EDA, université de Paris

L’appel à communication du numéro 16 de Frantice portait sur la question suivante : Accompagnement et différenciation pédagogique : quels processus pour des usages des technologies de l’information et de la communication au service des enseignements et des apprentissages ? Il se situait sur le constat selon lequel l’équipement en Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) est nécessaire mais n’est pas suffisant en soi pour que des usages au service des enseignements et des apprentissages puissent être produits par les acteurs de l’éducation et de la formation.

Qu’il s’agisse de la maternelle, du primaire, du secondaire ou du supérieur, les formes, les fonctions et les natures des accompagnements par ces acteurs et/ou des processus de différenciation pédagogique qu’ils mettent en œuvre pour faire cours, sont diverses et relatives des situations et des contextes. Aussi nos recherches nous amènent à questionner comment caractériser les processus, les dispositifs, les ingénieries dont relèvent les accompagnements et les modalités de différenciation pédagogique mobilisant les TIC, selon les contextes.

Nous invitions alors les auteurs à questionner notamment comment les acteurs y sont engagés, avec quels autres acteurs (initiateurs, décideurs, financeurs, industriels, formateurs, chercheurs, parents, enseignants, apprenants) et avec quels outils puis instruments, selon quels modes de relations, de régulations, à quels moments, pour quelles durées, avec quelles finalités (formations, appropriation, tâtonnements, professionnalisations, perfectionnement, compétences) et quelles pratiques, avec quelles ressources convoquées et quelle part de créativité, à partir de quels attentes, motivations, ressentis, politiques, arguments, paradoxes, contraintes, coûts ? Ainsi, ce numéro de la revue Frantice.net est donc consacré aux environnements numériques comme analyseurs des types d’accompagnement et de différenciation pédagogique à différents niveaux scolaires et périscolaires tant dans les pays du Nord que ceux du Sud.

Cet appel à communication s’est inscrit dans une réflexion que nous menons depuis plusieurs années, relative à la formation des enseignants et à l’utilisation par les enseignants et les élèves ou étudiants de ressources numériques lors de moments d’enseignement ou d’apprentissage.

La notion d’accompagnement est envisagée dans un contexte législatif reposant sur des textes internationaux comme celui de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (MAE, 2003), convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989 entrée en vigueur le 7 septembre 1990 et ratifiée par 196 États. Ainsi, l’accompagnement peut être une aide et une assistance spéciales, appropriée pour l’enfant, les parents et les représentants légaux. Il existe aussi des textes nationaux. Par exemple en France, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées permet d’entendre l’accompagnement au sein de l’école comme inclusive et qui implique que l’institution et ses acteurs s’adaptent aux besoins des élèves en situation de handicap, tant sur le plan des formations des enseignants, des modalités d’adaptation de la scolarité et aussi des ressources pour les cours et les apprentissages.

Dans notre rapport concernant le handicap dans le cadre de l’ANR RéVEA (Voulgre, 2018a), nous rappelions que la notion de handicap questionne plusieurs dimensions : politique, économique, culturelle, sociale et médicale. En France, d’après la loi n°2005-102 « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » est un handicap. Aussi, pour envisager l’accompagnement il convient de penser que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie » (loi n°2005-102). Dans un autre rapport, toujours dans le cadre de l’ANR RéVEA mais concernant les élèves de Segpa (Voulgre, 2018b), nous rappelions notamment la notion de « grandes difficultés » et présentions différentes ressources, notamment numériques, adaptées que les enseignants utilisent pour faire cours.

L’accompagnement concerne aussi l’enseignant qui souhaitent évoluer dans ses pratiques ou qui reçoit des injonctions ou des conseils de sa tutelle, d’un formateur ou encore d’un ingénieur pédagogique. Il s’agit alors d’un processus d’évolution multidimensionnel qui implique à la fois des logiques institutionnelles, contextuelles, matérielles, idéologiques, collectives et personnelles. L’accompagnement vise à faire converger ces différents niveaux logiques auprès de chacun des acteurs (Voulgre, 2011, pp.82-92). Ces travaux de recherche tentent de comprendre comment les différents types de ressources sont utilisés au service de l’apprenant, l’enseignant comme l’élève pouvant être considérés comme apprenant. Huberman qui a étudié les résistances aux changements explique notamment que « l'innovation en matière d'éducation est un sujet complexe parce qu'elle doit être étudiée à plusieurs niveaux : au niveau des individus qui subissent un changement ou qui le font subir à d'autres, au niveau institutionnel, au niveau de la communauté et dans 1'environnement plus large où certaines innovations sont acceptables tandis que d'autres sont en contradiction avec les valeurs existantes » (Huberman, 1973, p.102).

Ce numéro de Frantice rassemble huit textes complétant notre approche de l’accompagnement. Ce faisant, les notions d’accompagnement et de différenciation pédagogique sont, dans ce numéro, déclinées en quatre grands thèmes : en contextes d’inclusion (les deux premiers articles), à travers l’usage de la robotique et de la simulation (les troisième et quatrième articles), dans des contextes de formation continue (les cinquième et sixième articles), ou encore en prenant le problème par l’usage pédagogique des réseaux d’échange et de communication (les deux derniers articles). Ces huit articles sont rapidement présentés ci-dessous.

L’article co-signé par Karen Abou Assi, Hicham El Khoury et Rima Malek présente une série de jeux vidéo programmés pour stimuler des fonctions cognitives d’enfants souffrant de troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Les fonctionnalités sont ciblées pour permettre un travail sur les processus d’éducation à l’inhibition, à la mémorisation et à l’attention. Les résultats sont prometteurs en utilisant très régulièrement ces jeux avec un accompagnement continu des parents.

L’article co-signé par Laetitia Boulc'h et par Malika Soufi présente un travail sur l’accompagnement des élèves dyslexiques-dysorthographiques de 6ème et 5ème scolarisés en ULIS TAP (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire, Trouble des APprentissages). La recherche porte sur l’utilisation de tablettes pour aider les élèves à prendre des notes et à améliorer leur autonomie. D’après les résultats, l’utilisation du logiciel Evernote, d’une Dropbox et d’une tablette Ipadsemble permettre à ces élèves de mieux retrouver leurs documents de façon autonome ainsi que d’écrire le cours relativement plus vite que sur une feuille de papier avec un stylo. Néanmoins, l’utilisation des fonctionnalités permettant la correction orthographique ou l’écriture intuitive semble complexifier l'activité de saisie du cours par les élèves. Les auteurs posent aussi la question de la stigmatisation ressentie par ces élèves du fait d’utiliser des TIC, mais qu’il s’agit encore d’approfondir.

L’article de Calver Nijimbere et al. concerne les jouets programmables de type Bee-Bot. Il s’agit d’une recherche participative auprès d’élèves du Primaire au Burundi découvrant ce type d’objets avec une approche contrastive relative à une recherche participative similaire menée au Cameroun dans le cadre du projet SUPERE-RCF[1] et en lien avec l’ANR DALIE (prolongée par l’ANR IE-CARE). Il s’agit de comprendre comment les élèves appréhendent l’interface de programmation de la Bee-Bot et aussi d’interroger comment dans un contexte local et spécifique Burundais, la formation des enseignants dans ce domaine peut être pertinente. Il y est questionné l’accompagnement des élèves et celui des enseignants dans le cadre de l’accompagnement aux changements des pratiques, imposés par la prise en compte du numérique dans l’enseignement et ses conséquences sur les apprentissages.

L’article de Rachel Akimana et al. porte sur la programmation d’un espace de simulation d’activités en physique pour les élèves en collège et plus spécifiquement sur le chapitre relatif aux circuits électriques RC, RL et RLC ; adapté aux conditions d’usages du pays. La recherche questionne aussi en quoi l’application numérique de simulation est un Environnement Informatique pour l’Apprentissage Humain (EIAH) qui peut permettre à des formateurs et enseignants d’accompagner le processus enseignement-apprentissage en classe et en dehors de cette dernière.

Awokou Kokou, dans sa contribution, explique comment le gouvernement de ce pays a initié un programme de déploiement des Environnements Numériques de Travail (ENT) inspiré du modèle français dans les lycées d’enseignement technique et de la formation et les lycées scientifiques. Un des buts du gouvernement est de soutenir la mise en œuvre d’approches pédagogiques par compétences. Après une revue de littérature sur les recherches sur les ENT en France, le chercheur utilise le carré PADI (Wallet, 2004 et 2010) pour questionner l’accompagnement des acteurs de ce dispositif aux rôles et fonctions complémentaires mais pas toujours suffisamment précisés localement. Il questionne la pertinence des coûts d’équipement et de formation continue au service d’un changement de paradigme éducatif. Les résultats identifient plusieurs risques de disfonctionnement de l’accompagnement en regard des représentations déclarées des acteurs (enseignants, enseignants référents ENT, administrateurs, coordonnateurs, institutions).

L’article d’Audrey Kumps et al. propose une réflexion sur les modalités d’accompagnement des enseignants afin qu’ils puissent intégrer le numérique dans leurs classes. Deux études de cas sont présentées avec des données interprétées selon le modèle TPACK (Mishra et Koehler, 2006) permettent de définir des profils d’enseignants et d’apporter des réponses qui sont spécifiques à leurs contextes. Les résultats sont prometteurs compte tenu de l’évolution observée, des enseignants, au sein du processus d’appropriation des TIC pour faire cours et des pistes de réflexions sont identifiées.

Layla Azzoug nous parle de l’utilisation de Facebook par un enseignant de Français (FLE) auprès d’étudiants Algériens. Le scenario proposé permet de travailler de façon ciblée les règles d’orthographes et de grammaires, sur des temps de travail hors cours et qui paraissent ludiques aux étudiants. L’accompagnement de l’étudiant est scénarisé pour l’utilisation d’un réseau social permettant d’apporter un soutien orthographique efficace aux étudiants.

L’article d’Ahmed Ibrahimi et al. interroge la relation entre la formation de groupe avec ou sans prescription de rôles, l’utilisation de forum de suivi du travail des groupes structurés ou non-structurés et la réussite des projets menés par les étudiants afin de questionner la manière de concevoir un scénario pédagogique. Ils abordent la notion d’appropriation des technologies de l’information et de la communication comme un élément central à considérer dans le processus de scénarisation. L’accompagnement y est alors pensé pour aider l’encadrement de l’activité des apprenants.



 [1] Site support de la recherche Supervision PEdagogique et REssources Recherche Coopérative Francophone (SUPERE-RCF) http ://eda.shs.univ-paris5.fr/supere/doku.php?id=start 


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Pour citer ce document

Voulgre, Emmanuelle. (2019). Editorial. frantice.net, Numéro 16 - novembre 2019. Récupéré du site de la revue : http://frantice.net/index.php?id=1571. ISSN 2110-5324




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